Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« QUE FAIS-JE DE MON PECHE ? »
Lectio divina pour le Sixième Dimanche Ordinaire – Année B
Lév. 13, 1…46 1 Co. 10, 31-11, 1 Mc. 1, 40-45
Inexorablement l’Église nous amène pas à pas au seuil du Carême. Je reste émerveillé, au fil des ans qui s’accumulent, de la délicate pédagogie spirituelle de notre Mère. Je ne cache pas que l’un de mes souhaits les plus chers serait que le don récurrent de cette richesse liturgique soit toujours mieux transmis par ceux qui ont en charge la sanctification des fidèles : pasteurs, mais aussi éditeurs de missels et de livres de catéchèse. Car c’est bien au cœur de la célébration liturgique que s’accomplit le Mystère pascal auquel le Seigneur Jésus nous demande de communier en toute connaissance de cause, c’est à dire avec un esprit délié qui permet le libre don de soi avec un « cœur droit et sincère ».
« Donne-nous de vivre selon ta grâce… »
La Collecte nous rappelle la merveilleuse révélation de Jésus. Ne nous dit-elle pas en effet que Dieu, pour venir habiter chez nous n’exige rien d’autre que nous acceptions de vivre selon cette Présence offerte ?
Autrement dit, nul n’est tenu d’atteindre à une perfection idéale et finalement toute idéelle pour devenir la demeure de Dieu. Il suffit, pour être réceptacle de Dieu, de recevoir Sa vie en nous. En s’invitant chez celui qui Lui ouvre la porte de son cœur, cette Vie divine purifie. Regardons.
De lui-même, l’homme ne peut rien faire, comme le rappelle la 1ère lecture. Il se sait pécheur. La Loi le lui manifeste et l’exclut comme un lépreux porteur de son mal. Il se sait perdu car même les prêtres d’Aaron sont dans l’incapacité de lui ôter son mal.
Qui donc le sauvera de ce corps qui appartient à la mort, comme l’écrivait saint Paul aux Romains ? Déjà le psalmiste geignait : « Je suis né dans le péché, dans la faute ma mère m’a conçu » et je n’ai en moi ni autour de moi aucune ressource pour être délivré. Que faire ?
« Si tu le veux, tu peux me purifier… »
« Si tu le veux, tu peux me purifier… » A l’orée du Carême, l’Église m’invite à me tourner vers Celui qui, seul, peut me redonner l’apparence d’un homme entier, d’un homme dans lequel on puisse lire l’image du Créateur.
Le pécheur, comme le lépreux, est « un reste d’homme », disait Bossuet. Il n’a plus figure humaine ; il ne peut témoigner que du néant. La seule condition de guérison est de se poser devant Jésus afin qu’Il ne puisse pas continuer Sa route sans passer par moi, sans venir en moi et, ce faisant, me guérir.
Il faut simplement faire appel à Sa miséricorde en se présentant à Lui avec la lèpre de son péché : « Si tu le veux, tu peux me purifier… ». Mais mon désir de guérison et ma foi en Son Amour tout puissant doivent être vrais comme l’exprime le fait d’être « à genoux, suppliant. » comme le précise l’évangéliste Marc.
Cette attitude d’humilité nous rappellera bien sûr la posture du pénitent au confessionnal. Mais avant cela, elle doit surtout nous renvoyer à la divine humilité de Jésus à genoux aux pieds de Ses apôtres pour, justement, les purifier…
« À l’instant même sa lèpre le quitta… »
Nous n’avons rien à présenter au Cœur de Dieu si ce n’est notre misère qui crie miséricorde devant le Cœur divin afin de recevoir de Lui la force de vivre comme Lui, ainsi que nous le prions avec la Collecte : « Donne-nous de vivre selon Ta grâce… » N’est-ce pas là d’ailleurs le sens premier du mot « miséricorde » : la misère reçue et noyée dans un cœur, par ce cœur qui pardonne la misère, c’est à dire qui lui redonne vie ?
Remplis-moi, Seigneur, de Ta miséricorde qui transformera mon cœur de pierre en cœur de chair capable de recevoir le Père. Ce cri rappelle d’ailleurs celui du Notre Père : « Donne-nous notre pain quotidien. » Ce pain substantiel, c’est la grâce imméritée qui envahit pour guérir et habiter « à l’instant même » nos humanités malheureusement poreuses.
J’aime cette précipitation que Jésus manifeste en faisant le bien à l’homme, comme s’Il avait peur que je changeasse d’avis et que je me rétractasse. « C’est pour cette heure que je suis venu », me dit-Il à chaque fois : pour cette heure de consolation et de réconfort, de purification et d’illumination. J’ai donc un grand désir qu’elle s’accomplisse en toi !
« À l’instant même sa lèpre le quitta… » : c’est une anticipation du pardon accordé au Bon Larron et de tous les pardons que les prêtres de la Nouvelle Alliance peuvent désormais donner à tous ceux qui viennent demander humblement la guérison du cœur.
« La guérison sera un témoignage pour les gens. »
Jésus met ici, encore une fois, en évidence que ce n’est pas la perfection de l’homme qui rend gloire à Dieu, mais son histoire entière de pécheur pardonné.
Au lieu de vouloir cacher nos misères et faire ‘comme si…’, n’aurions-nous pas intérêt, pour la diffusion de l’évangile, de faire comme l’aveugle : « Regardez, c’est bien moi ! » C’est moi le pécheur qui suis pardonné !
Ainsi Paul n’a jamais pensé un seul instant cacher aux générations futures la première partie de sa vie. Plus nous sommes pécheurs, plus c’est beau pour Dieu de nous aimer et plus grande est sa Gloire de nous pardonner !
Comment pourrions-nous attirer nos frères à l’expérience de l’amour de Jésus si nous commençons par celer notre propre expérience de Son pardon ? C’est ainsi, comme le suggère la 2ème lecture, que tout ce que nous avons fait, faisons et ferons sera, au final, posé pour la gloire du Seigneur.
Au contraire, si nous cachons cette part fondatrice de notre vie qu’est le rapport au pardon de Dieu, tout le reste de notre vie risquera de devenir objet de scandale. Le pardon demandé au Seigneur, c’est donc bien ce qui purifiera mon rapport aux différents frères rencontrés, qu’ils soient chrétiens, païens ou croyants autrement…
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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