Vers la joie de la conversion
(Dossier Sub Signo Martini n°38)
(Dossier Sub Signo Martini n°38)
« Il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pêcheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion. » Loin d’éveiller en nous cette joie prodigieuse, la conversion porte souvent dans nos esprits la saveur désagréable d’une conscience à purifier
La conversion se nourrit de l’espérance en la miséricorde divine
La conversion, nous dit le Catéchisme de l’Église catholique, consiste à se tourner vers Dieu. « Le mouvement de retour à Dieu, appelé conversion et repentir, implique une douleur et une aversion vis-à-vis des péchés commis, et le propos ferme de ne plus pécher à l’avenir. La conversion touche donc le passé et l’avenir ; elle se nourrit de l’espérance en la miséricorde divine (CEC §1490). » Cette définition ne saurait faire oublier que lorsqu’on parle de conversion, on parle d’un retour au Père par le Christ et de renouvellement de notre vie dans l’Esprit-Saint. Plus qu’une somme d’efforts à fournir pour plaire à Dieu, le carême est une expérience de joie spirituelle. La joie d’une présence et la joie d’un devenir dans le renoncement à nos errances existentielles.
2 récits évangéliques soulignent la joie, fruit de la conversion
Deux récits de l’Évangile parmi d’autres en sont l’illustration: la visite des Mages (Mt 2,1-12) et la parabole du fils prodigue (Lc 15, 11-31). Le premier récit raconte ce que l’on peut appeler une « primo-conversion », celle qui attire le païen vers le Christ pour lui faire retrouver par un autre chemin une vie transformée par la rencontre si désirée avec Christ. « Après quoi, un songe les ayant avertis de ne point retourner chez Hérode, ils prirent une autre route pour rentrer dans leur pays (Mt 2,12). » La parabole rapportée par saint Luc évoque plutôt une conversion post baptismale. Celle d’un fils cadet ayant rejeté son père, mais dont les frasques et l’exil volontaires n’ont pu détruire dans son cœur l’amour que le Père y avait déposé et qui, même s’il n’a pas su le comprendre pour ce qu’il était vraiment, le conduira à retourner dans la maison du père pour y être accueilli comme un fils aîné. « Le père dit à ses domestiques : ‘Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller. Mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds. Allez chercher le veau gras, tuez-le ; mangeons et festoyons. Car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.’ Et ils commencèrent la fête. » (Lc 15,22-24)
Le point commun à ces deux textes réside dans le « climat » de la rencontre que les deux évangélistes soulignent, la joie. Cette joie est l’âme, comme on parle de l’âme d’une corde, autour de laquelle sont tressés les récits de la nativité et les paraboles du chapitre 15 de saint Luc. C’est la joie des mages qui découvrent et redécouvrent l’étoile pour se rendre auprès du Verbe incarné et l’adorer, c’est la joie du père qui court se jeter au cou de son fils pour l’embrasser longuement et le réintégrer dans la maison familiale.
La joie : la jouissance du bien possédé et une attente, celle du salut.
Si nous gardons bien en tête que la joie dont il s’agit est celle que saint Paul appelle un fruit de l’Esprit saint, nous comprenons alors que la conversion ne peut se vivre sans cette joie sous peine de ne pas atteindre en l’homme sa finalité, l’adoration et la communion filiale.
Il faut cependant s’entendre sur le sens et la signification de cette joie de la conversion. La joie apparaît toujours dans la Bible comme dans l’expérience de la vie chrétienne dans une ambivalence que résume bien cette parole du prophète Sophonie (3,17) : « Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le Salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie, comme aux jours de fête. » La joie dont nous parlons est à la fois un présent et un avenir. Elle est une possession – c’est la définition commune de toute joie : la jouissance du bien possédé- et une attente, celle du salut. Jésus lui-même éprouva dans la déréliction de sa Passion la joie de sa communion au Père et celle de l’attente de sa résurrection. Dans la gloire de sa résurrection, uni au Père dans l’Esprit, il vit dans la joie du salut de l’humanité et celle de l’attente du salut de chacun non sans continuer à souffrir, pour sa part terrestre, dans son corps mystique qui est l’Église. C’est bien cette double joie qui rend le disciple apte à vivre les épreuves de la vie comme une croix, comme une communion à l’unique croix du Christ. C’est la grâce, prévenante ou sanctifiante, et les vertus théologales, qui attestent de la présence divine dans la vie de l’homme et qui donnent la joie d’aller toujours de l’avant dans son chemin de conversion, et c’est l’attente du salut qui implique une douleur et une aversion vis-à-vis des péchés commis, et le propos ferme de ne plus pécher à l’avenir.
Le chemin de conversion, une immersion dans la miséricorde divine
Ce chemin de conversion qui nous conduit au pardon de nos fautes et à notre pleine réconciliation peut se résumer en quelques mots : une immersion dans la miséricorde divine, car il est aussi un chemin de joie par la certitude de l’amour infini de Dieu à l’égard de tout pécheur repentant : « Quand bien même vos fautes seraient innombrables, elles n’en demeureraient pas moins humaines, sans commune mesure avec l’extraordinaire bonté de Dieu. Ayez confiance, car elle triomphera de vos vices. Imaginez une étincelle qui tombe dans la mer ; pensez-vous qu’elle puisse subsister et continuer à briller ? Au contact de la bonté de Dieu, vos péchés s’évanouissent comme l’étincelle au contact de l’eau. Bien plus encore, si l’océan, si grand soit-il, a des limites : la bienveillance divine n’en a pas. »
(S. Jean Chrysostome, Homélie VIII)
Bruno Attuyt + prêtre
La conversion est d’abord une initiative divine
De la conversion de Saul « animé d’une rage meurtrière » contre les disciples du Christ, nous retenons l’intervention soudaine du Seigneur qui le stoppe dans son entreprise. Nous y voyons la main puissante de Dieu, celle que nous espérons ou redoutons…
Or, même si l’origine de la conversion reste une initiative divine, il s’agit toujours d’une démarche conjointe de Dieu et de l’homme : « fais nous revenir à toi, Seigneur, et nous reviendrons » (Lm 5,21). St Paul n’échappe pas à cette règle et nous non plus !
Une invitation à renoncer à la maîtrise absolue de sa propre vie
Après le temps fort de la conversion dans lequel le persécuteur sent basculer sa vie sous l’effet de la grâce, vient le temps progressif du passage du vieil homme à l’homme nouveau : « je lui montrerais tout ce qu’il lui faudra souffrir pour mon Nom » (Ac 9,16).
La conversion invite le pécheur à renoncer à la maîtrise absolue de sa propre vie. En imitant le Christ et en adhérant au Royaume, il s’en remet totalement à l’Esprit qui le mène au Père. La conversion évangélique ne réside donc pas dans la seule poursuite d’une perfection morale, mais bien dans la remise de soi à l’Esprit qui sauve. Elle est d’abord spirituelle, action de l’Esprit-Saint qui achève toute sanctification. St Paul est un modèle du laisser-faire par l’Esprit sans « regimber contre l’aiguillon » (Ac 26,14).
L’Eglise, aiguillon de la conversion
L’aiguillon dont le Seigneur se sert pour nous stimuler et nous conduire peut prendre différentes formes. Mais l’aiguillon de la conversion, c’est avant tout l’Église dans laquelle l’Esprit est à l’œuvre et plus précisément ses membres : « Pourquoi me persécutes-tu ? ».
Fort de la grâce de Damas, St Paul s’est converti au Corps du Christ dont il a acquis la mentalité de membre après l’avoir persécuté. Rattaché au Christ par toutes les fibres de sa foi, de son cœur, et toute l’orientation de sa volonté, il s’est efforcé par son exemple, sa parole et ses écrits de se faire « tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns » (1Co 9,22).
don Montfort de Lassus + prêtre.
« Le Carême nous rappelle que l’existence chrétienne est une lutte sans relâche, au cours de laquelle sont utilisées les « armes » de la prière, du jeûne et de la pénitence. Lutter contre le mal, contre toute forme d’égoïsme et de haine, et mourir à soi-même pour vivre en Dieu représente l’itinéraire ascétique que tout disciple de Jésus est appelé à parcourir avec humilité et patience, avec générosité et persévérance. » (Benoit XVI, mercredi des cendres 2006)
Choisir l’itinéraire du bien et lutter contre le mal..
Ici-bas deux itinéraires s’offrent à nous, celui du bien ou celui du mal. Mais plus fondamentalement, nous n’avons qu’un chemin à suivre, celui du Christ. La deuxième voie, nous devons lutter en nous et autour de nous afin de ne pas l’emprunter. De part notre baptême, nous appartenons au Christ. Mais cela ne nous exempte pas de nous conformer à ce que nous avons reçu. Nous sommes en chemin pour réaliser en nous le mystère de la vie divine à travers les vicissitudes de la vie terrestre.
Heureusement, nous ne sommes pas démunis pour ce combat car le Seigneur nous donne des armes. Fondamentalement, pour lutter contre le mal et le péché, il nous faut nous attacher au Maitre, nous mettant à sa suite et à son imitation. Dans les Evangiles, nous reconnaissons deux moments où le Christ est confronté particulièrement à Satan : au désert après le baptême et dans le jardin des Oliviers. De ces deux évènements, nous pouvons dégager certaines attitudes propres à la lutte contre le mal et le péché.
…par le jeûne, la prière, la charité et les sacrements
Tout d’abord le jeûne : « Alors Jésus fut emmené dans le désert par l’Esprit, pour être tenté par le diable. Et ayant jeûné quarante jours et quarante nuits, après cela, il eut faim.» (Mt 4, 1-2). En utilisant cette arme, nous mourrons à nous-même pour vivre de Dieu. Le jeûne manifeste qu’en l’homme, l’âme et le corps ne peuvent être séparés. Isaac le Syrien nous dit que le jeûne mène naturellement à la vigilance pour Dieu, de jour comme de nuit.
Mais cela ne suffit pas. Il doit être accompagné de la prière : « Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible» (Mt 26, 41). La prière est notre moyen de communication avec Notre Seigneur qui a lutté et continue de lutter pour nous et avec nous.
Suivre le Christ dans le combat contre le péché et le mal, fruit de notre amour pour le Seigneur, doit se traduire en acte concret. La charité manifeste à l’extérieure la volonté de lutter car les œuvres bonnes sont les munitions contre le mal. « Avant tout, ayez entre vous une charité intense, car la charité couvre la multitude des péchés » (1P 4, 8).
Enfin et prioritairement, nous devons pratiquer les sacrements, en particulier l’Eucharistie et la pénitence. La réconciliation nous permet de retrouver la grâce du baptême et l’Eucharistie de vivre en union avec le Seigneur. Vivre des sacrements, c’est vivre du Christ. Ce n’est qu’en étant conformé au Christ que nous pouvons lutter efficacement contre le mal et le péché, car Il l’a déjà vaincu. « Vous aurez des tribulations dans le monde; mais prenez courage, j’ai vaincu le monde » (Jn 16, 33)
don Matthieu de Neuville + prêtre
« Frères très chers, en nous aimant, Dieu nous restaure à son image. »
Qui parle ainsi aux fidèles rassemblés à Rome en ce brumeux matin d’hiver ? Jean-Paul II ? Benoît XVI ? Non, nous sommes le 17 décembre 450 : le pape saint Léon exhorte les chrétiens à la pénitence.
Ce jeûne auquel le pape appelle les fidèles, quel est-il au juste ?
Tout le monde connaît le célèbre oracle d’Isaïe où le prophète fustige ceux qui jeûnent tout en se livrant aux querelles ou en opprimant leur prochain. “ Est-ce là ce que tu appelles un jeûne, un jour agréable à Yahvé ? ” 1 Le message est clair dès l’Ancien Testament : une pénitence qui n’est pas animée par l’amour et la miséricorde n’est pas agréée de Dieu.
Mais remarquons bien que ni l’Ecriture ni les Pères n’évincent jeûne et mortification. Dieu a encouragé la pénitence de David. Sans actes concrets, le risque est grand d’en rester à une attitude de conversion purement velléitaire. Les résolutions, l’effort persévérant, l’ascèse sont nécessaires. “Il y a espérance de récolte là où il y aura eu diligence à semer.” 2 Mais à ces actes que nous semons, il faut joindre l’attitude intérieure d’humilité, de vérité et d’amour. “ Il est inutile de souffrir volontairement de la faim et de ne pas renoncer en même temps à un vouloir mauvais, de s’infliger une privation de nourriture et de ne pas se dégager d’un péché déjà conçu dans l’âme.” 3
Donc le jeûne qui plaît à Dieu comprend bien deux aspects : se renoncer par la pénitence et édifier en soi et autour de soi l’amour et la miséricorde. Et quel est le but de cette conversion ? S. Léon l’expose en une phrase merveilleuse de concision et de justesse : “ Que la ressemblance de la bonté divine brille en nous comme en un miroir. ” 4 Que notre âme blessée soit refaite à l’image de la bonté divine. Pour cela, le don du salut par le Christ nous accorde la grâce nécessaire.
Ce travail de conversion, est-ce notre œuvre ou celle de Dieu ?
Reprenons une comparaison chère aux Pères : le cœur de l’homme est une terre où Dieu répand les semences des vertus. Une vie chrétienne fervente permet à celles-ci de grandir et de fructifier. Le jeûne et la pénitence labourent le champ, la miséricorde l’ensemence, la prière le féconde ; mais c’est du ciel que vient la rosée de la grâce qui prévient et accompagne tout progrès.
On voit comment s’articulent action de Dieu et travail de l’homme. La grâce de Dieu est sans cesse présente à l’effort de l’homme : elle le devance car sans eau la semence meurt. Dieu est là, nous aimant le premier, et préparant notre cœur à l’accueil de la grâce. Puis Il nous accompagne, illuminant notre esprit et soutenant notre volonté. Nous recevons tout de lui, grâce sur grâce, et en tout premier lieu le don de l’amour. “ En nous aimant, Dieu nous restaure à son image et afin de trouver en nous la ressemblance de sa bonté, il nous donne le moyen de faire nous-mêmes ce qu’il fait ; il allume le flambeau de nos intelligences et nous enflamme du feu de son amour pour que nous l’aimions et non seulement lui, mais aussi tout ce qu’il aime. ” 5
“Aide-toi, le ciel t’a déjà aidé.”
Le primat de la réceptivité ne nous condamne nullement à la passivité. Il ne s’agit pas de se croiser les bras mais de collaborer de tout notre être et avec toutes nos ressources avec la grâce. Dieu met en nous “le moyen de faire nous-mêmes ce qu’il fait”, respectant la liberté de l’homme qui reste entière. Peut-être S. Léon avait-il lu S. Augustin longtemps préoccupé par ce problème. “ Certes, nous travaillons nous aussi, écrit-il, mais nous ne faisons que travailler avec Dieu qui travaille ; car sa miséricorde nous a devancés pour que nous soyons guéris. Elle nous suit encore pour qu’une fois guéris, nous soyons vivifiés. ” 6
Donc n’opposons pas grâce et effort humain. Nul effort de l’homme ne peut se faire sans la grâce. Et la grâce appelle la collaboration de l’homme. On pourrait rectifier ainsi un adage bien connu : “Aide-toi, le ciel t’a déjà aidé.”
Comment nous rendre réceptif à ces grâces de conversion ?
Il importe avant tout de se mettre à l’école du Christ, de le contempler, de le suivre, de l’imiter. Prions avec le Christ tenté, le Christ transfiguré et se préparant à sa passion, le Christ mourant sur la croix, le Christ ressuscité ; la liturgie du carême en centrant notre esprit et notre cœur sur le Christ rédempteur nous permet de recevoir les grâces qui nous font grandir dans notre être de chrétien.
La liturgie vécue donne sa forme, son âme, à notre démarche de conversion. Puisons toujours en elle lumières de grâce et de force, recourons aux sacrements, sachons coopérer avec l’Esprit-Saint et suivre ses appels à aimer le bien et à se garder du mal. C’est ainsi que la grâce du Seigneur restaure tous les jours en nous l’image de Dieu, la ressemblance de sa bonté.
Sœur Jehanne d’Arc
1 Is 58, 5
2 S Léon 4e sermon jeûne du 7e mois SC n° 200 p. 107
3 S Léon 8e sermon jeûne du 10e mois SC n° 200 p. 213
4 S. Léon 1er sermon jeûne 10e mois SC n° 200 p. 151
5 S. Léon 1er sermon jeûne 10e mois SC n° 200 p. 153
6 S. Augustin Nature et grâce 31, 35
La vie au séminaire apprend aux futurs prêtres le sens de la fidélité et des efforts qu’elle nécessite. En commençant à se donner intensément, dans la plénitude de leur humanité, ils deviennent capables de mener une vie sacerdotale authentique. Et réaliste.
Le retournement complet de Charles de Foucauld
Qui ne connaît – et peut-être n’envie- la fulgurante conversion de Charles de Foucauld ? Le 30 octobre 1886, il entre dans l’église Saint-Augustin, se confesse, communie, et la lumière de Dieu entre à flots dans son âme : « Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour Lui ». Quelle chance d’être saisis d’un coup par la grâce, et de pouvoir changer radicalement de vie! Mais ne nous y trompons pas ! Le retournement complet de Charles de Foucauld est moins simple qu’il n’y paraît. Préparée longtemps en amont par le lent travail de sape de la grâce de Dieu, sa conversion se poursuivra jusqu’à sa mort, et la découverte de la volonté de Dieu sur lui n’ira pas sans bien des hésitations.
Ne nous berçons pas d’illusions : qu’elle débute par une illumination soudaine, ou qu’elle s’opère imperceptiblement depuis la tendre enfance, la conversion est l’affaire de toute la vie. Et c’est une bonne nouvelle, car cela signifie qu’elle n’est pas réservée à un petit nombre de privilégiés. L’homme est par nature tellement loin de son Créateur que la réalisation de sa vocation d’enfant de Dieu ne peut se faire sans un bouleversement complet de sa personne, qui nécessite du temps.
La conversion, la réponse à un amour qui se donne
On peut comparer l’œuvre de notre conversion à l’histoire du peuple d’Israël. « Je suis le Seigneur ton Dieu ». Dieu commence par se révéler à l’homme, à lui promettre un avenir et un bonheur. C’est un premier point important. La conversion, avant d’être un changement de mode de vie, un accroissement des vertus, un effort pour mieux faire, est la réponse à un amour qui se donne. C’est l’amour de Dieu pour l’âme qui appelle l’amour de l’âme pour Dieu. Dieu devient quelqu’un, et quelqu’un pour moi. « Ecoute Israël ! » Cette rencontre n’est possible que par une attitude d’écoute quotidienne de Dieu, qui passe par une aptitude au silence. Ecoute de sa Parole révélée, mais aussi attention du cœur à reconnaître sa voix dans les évènements heureux ou malheureux, les rencontres ou tous les signes qu’il met sur notre route.
Combattre l’homme ancien pour revêtir l’homme nouveau
« Et maintenant Israël, que te demande le Seigneur ton Dieu, sinon de craindre le Seigneur ton Dieu, de suivre toutes ses voies, de l’aimer, de servir le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme » (Dt 10,12). A cet amour de Dieu qui se donne, l’homme est appelé à répondre en l’aimant à son tour. Pour cela, il doit mener le combat contre l’ « homme ancien » dont parle saint Paul, pour pouvoir revêtir l’ « homme nouveau ». Comme les hébreux dans le désert, il arrivera que nous soyons fervents, enthousiastes, surtout au départ, mais aussi que nous trainions les pieds. Comme le disait saint François de Sales : « il n’est pas étonnant que la misère soit misérable ». Mais les efforts qui sont à notre portée sont avant tout des occasions de montrer à Dieu notre désir de nous mettre à son service. A partir de ces petites brindilles parfois un peu humides, la grâce de Dieu peut allumer le grand feu de notre amour pour lui et pour les autres. Ce ne sont pas nos propres petites forces qui nous permettent d’avancer, mais celle de Dieu, invincible, puisée dans la prière et les sacrements, en particulier la pénitence et l’Eucharistie, inséparables. Si nous voulons bien rester dans la main de Dieu, si nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour demeurer fidèles, la fin de l’histoire est déjà écrite : nous sommes sauvés en Jésus, ressuscités avec lui, même si ce que nous sommes ne paraît pas encore.
« Ce qui se fait sans le temps ne résiste pas au temps »,
disait encore saint François de Sales. Si la force et le courage sont nécessaires, les grandes vertus de la conversion sont bien discrètes. Plus qu’un enthousiasme de surface, c’est la patience, la constance, et l’humilité qui nous permettent de remettre chaque jour sur le métier l’œuvre de notre conversion. Quoiqu’il en soit, le but ne sera jamais, comme le proposent les coaches de notre temps, de devenir ce que nous rêverions d’être, mais de correspondre petit à petit à ce que Dieu attend de nous. C’est tellement plus beau !
don Claude-Noël + prêtre