Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« Que ton règne vienne !… »
Lectio divina pour le dimanche du Christ-Roi, le 26 novembre 2017
Nous célébrerons dimanche la fête du Christ-Roi qui clôture notre Année Liturgique. Quel sens donner à la royauté de Jésus-Christ ? De quel royaume s’agit-il ? Nous nous souvenons de ce que le Christ a dit et que Luc rapporte dans son Evangile : « Le Royaume ne sera pas ici ou là, le Royaume est au-dedans de vous. » La première caractéristique qui va définir le Royaume -et notre attitude eu égard à ce Royaume- est que le Royaume de Dieu est un Royaume intérieur, donc spirituel. C’est donc un Royaume de charité puisque l’acte d’aimer se situe au sommet de la spiritualité de l’homme. Le Royaume de Dieu est un royaume intérieur, spirituel et donc de charité.
Le bouc et le pécheur…
Nous nous trouvons alors face à un paradoxe que nous avons du mal à comprendre. Si le Royaume de Dieu est un Royaume de charité, comment se fait-il qu’il y ait un jugement, comme le rappelle Ezéchiel et Jésus lui-même dans l’Evangile ?
Comment concilier un Dieu d’amour et de justice ? Un Dieu d’amour avec la damnation ( )en enfer ?
En fait, le Jugement, dont il est question dans les différents passages de l’Ecriture qui nous ont été lus, n’est que la confirmation par Dieu de l’excommunication, c’est-à-dire de la sortie volontaire de la communion de certaines âmes. Ezéchiel ou le Christ les appelle les « boucs », le bouc étant, dans la tradition biblique, l’animal représentant le péché. Souvenons-nous du bouc émissaire envoyé dans le désert pour ôter de la vue les péchés du peuple d’Israël. Le bouc représente donc l’homme ennemi de Dieu.
Le Pasteur et le Bon Dieu…
Pour comprendre cette vérité théologique, nous devons faire appel à cette image du pasteur utilisée par Ezéchiel comme par le Christ. Dieu est le Pasteur, le Berger d’Israël. Vu l’importance que chaque brebis du troupeau avait pour le peuple sémite, cela exprime que Yahvé est la personne la plus attentionnée, la plus amoureusement attachée, la plus impliquée dans la vie du troupeau et dans son développement.
Dans Ezéchiel, c’est Yahvé qui est le Berger. Si Jésus reprend cette image dans l’Evangile de Jean ou de Matthieu, c’est pour bien signifier qu’Il est égal au Père, puisqu’il n’y a qu’un seul pasteur : « Je suis le Bon Pasteur et le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis. » Il n’y a qu’un seul Pasteur, et qu’un seul troupeau.
Le bouc est celui qui n’écoute pas la voix du pasteur…
Jésus donne Sa vie pour Ses brebis, pour Son troupeau. C’est dire qu’il Lui est cher ! Si donc nous voulons profiter de Sa vie de Fils que Jésus nous offre, il nous faut être ou devenir, voire redevenir, des brebis. Autrement dit, il faut que nous Le connaissions comme Pasteur et que nous écoutions Sa voix pour Le suivre : « Mes brebis me connaissent, elles écoutent ma voix et elles me suivent… » Celui qui ne veut pas écouter la voix du Christ en tant qu’Il est berger n’appartient pas au troupeau et ne peut pas être appelé brebis. Il est donc appelé bouc.
Celui qui n’est pas dans cette discipline amoureuse de la brebis, (nous savons comme le mouton est caractérisé par son obéissance !) celui qui rejette ces principes s’excommunie lui-même du troupeau.
Ce n’est pas Dieu qui condamne. Ce n’est pas Dieu qui prédestine en disant : Je prends celui-ci, Je rejette cet autre…
C’est pourquoi Jésus dira dans l’Evangile : « Qui me rejette et n’accueille pas ma parole a son juge : la parole que j’ai fait entendre, c’est elle qui le jugera au dernier jour. » C’est donc bien l’écoute qu’il fait ou qu’il ne fait pas de la voix du Berger qui l’intègre ou non au troupeau et le fait être brebis ou bouc…
« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés… »
Mais que dit la voix du Berger ? Référons-nous tout simplement à l’Evangile du Christ-Roi : « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi-même que vous l’avez fait. »
Comment est-ce possible que Dieu nous demande d’aimer un homme comme le Christ ? De voir dans un homme le Fils de Dieu ? Il ne s’agit pas d’égalité.
La personne humaine n’est pas personne divine. Mais la personne humaine est un homme qui porte en lui la résonance de Dieu. Et cette résonance de Dieu s’effectue, se réalise au niveau de la charité. Lorsque Jésus dit : « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait », Il veut seulement dire que le principe du Royaume c’est d’aimer mon frère du même amour avec lequel j’aime le Prince du Royaume, dans le même acte, produit par la même volonté, éclairée et renforcée par la même vertu théologale de charité.
Saint Jean le répète à l’envie dans son épître parce que c’est essentiel à la vie chrétienne : on ne peut pas aimer (soi-disant totalement) Dieu d’un côté et aimer (plus ou moins) son prochain de l’autre. Lorsque j’aime Dieu, lorsque j’aime Jésus, lorsque j’écoute la voix du Pasteur, je monte vers Lui tel qu’Il est et non tel que je L’imagine. Je me dois donc d’aimer Dieu Créateur de tous les hommes, je me dois d’aimer le Christ, Premier-Né d’une multitude de frères et Rédempteur de tous… Et si j’aime le Christ qui a donné Sa vie pour chacun, et si j’aime mon Père qui est le Père des justes comme des injustes, je dois aimer les hommes que Dieu aime et les aimer comme Il les aime, avec ce même amour qui s’appelle la charité. C’est simple : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés… »
Voilà ce que nous commande le Christ.
« Et le premier commandement, c’est que vous viviez dans l’amour… »
Et voilà donc ce sur quoi nous pouvons réfléchir, dans cette fête du Christ-Roi. Car, cette clôture de notre Année Liturgique, avant le dimanche de l’Avent qui verra une année nouvelle, nous appelle, en bon intendant des biens célestes, à faire le bilan de notre sanctification baptismale. Cette sanctification n’est rien d’autre que la finalité de cette année qui s’achève, vécue en Eglise avec les abondantes grâces liturgiques communiquées à chaque célébration des mystères du Christ.
Il ne s’agit pas de savoir combien j’ai donné à la lutte contre le cancer, (quoi que cela soit fort utile), ou au Secours Catholique. Il s’agit de reconnaître avec sincérité comment j’ai compris cette loi de l’amour, comment je l’ai vécue, appliquée au long cours de ces douze derniers mois, avec l’aide du Viatique eucharistique et de la Réconciliation…
Saint Jean le rappelle dans sa deuxième épître : « L’amour consiste à vivre selon ses commandements. Et le premier commandement, c’est que vous viviez dans l’amour. »
« Que ton règne vienne… »
C’est-à-dire l’amour du prochain. Nous voyons que le même mot est utilisé pour les deux actes. Il ne s’agit pas d’aimer mon prochain parce que je suis chrétien et que c’est de bon ton pour un chrétien d’être gentil ! Il y a un lien intrinsèque, indissoluble et substantiel entre l’amour de Jésus et l’amour du prochain.
Il s’agit donc pour nous aujourd’hui, de faire le bilan et de savoir, face à cette voix du Christ qui nous appelle à Le suivre pour que nous soyons dans Son troupeau, si nous avons accepté de vivre selon cette Loi de l’amour. Il s’agit d’en faire l’analyse précise pour déterminer les lignes de supports et les lignes de résistances, comme disent les boursiers. Nous devons faire un examen de conscience précis et approfondi pour découvrir où nous arrivons, avec la grâce, à appliquer la loi de l’amour et où, malgré la grâce, nous refusons de le faire.
C’est la grâce que nous pouvons demander tout particulièrement dans la récitation du Notre Père. Lorsque nous demandons « Que Ton Règne arrive… », nous pouvons le demander pour une christianisation de notre société, des institutions, de la politique de tout ce qui est là pour aider les personnes à s’accomplir, c’est-à-dire la recherche du bien commun. Mais nous devons le demander d’abord pour ce royaume intérieur et spirituel qui doit progresser en chacun de nous. Comme aimait à le dire Sainte Mère Térésa, c’est en se convertissant chacun que nous rendrons le monde meilleur !
« Que ton règne vienne Seigneur en moi » ! Oui, que j’accepte cette loi qui m’apparaît difficile, mais qui est somme toute extrêmement libérante puisque c’est une loi d’amour : aimer mon frère comme le Christ et pour l’amour du Christ.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart
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