Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
Etre missionnaire aux périphéries en tendant vers le cœur de l’Eglise !
Lectio divina pour l’Epiphanie
Epiphanie est un mot savant venant du grec et qui signifie : manifestation. Au sens liturgique la fête de l’Epiphanie célèbre ce que l’on pourrait appeler la publication de l’Avènement de Noël. Les mages sont en effet les premiers qui, n’appartenant pas au monde juif et donc représentant l’universalité des peuples, vont voir le mystère de l’Avènement jusqu’alors resté caché entre Marie, Joseph et les pâtres gardant leurs moutons. Noël est le mystère de l’entrée de Dieu dans le monde, l’Epiphanie est le mystère de l’entrée du monde dans le mystère de l’Incarnation.
Aujourd’hui, le monde entre dans le mystère de Dieu. Or il y a pour le monde deux manières d’entrer dans le mystère de l’Incarnation.
Le monde entrant dans le mystère de Dieu pour en prendre possession…
La première est celle d’Hérode: « Renseignez-vous et lorsque vous l’aurez trouvé, venez m’avertir pour que moi aussi j’aille me prosterner. » Souvent nous nous retrouvons malheureusement dans cette démarche d’Hérode ! Laissons de côté, aujourd’hui, le caractère horrible de ce roitelet commandant le massacre des innocents et fixons notre regard sur celui qui demande aux Mages de se renseigner. N’est-ce pas en effet notre attitude courante, nous qui cherchons toujours des preuves dans notre relation à Dieu, des justifications, des certitudes, du tangible, du solide, finalement de l’humain tout simplement…
« Et: quand vous l’aurez trouvé… » C’est encore nous ! Notre relation à Dieu ne consiste pas (en tout cas, pas toujours) malheureusement à nous donner à Lui, mais à Le prendre, à L’accaparer, à Le garder, à en faire un simple objet possédé.
De la foi reçue à la foi donnée : Dieu initie la relation de confiance…
En face de cette attitude d’Hérode et de notre manière de concevoir habituellement la relation à Dieu au niveau humain de nos intérêts et de nos certitudes, voilà que Dieu nous propose en exemple l’attitude des mages.
Dans cette attitude de l’homme face à Dieu, les renseignements sont remplacés par la lumière que Dieu me donne, par la connaissance dont Dieu me fait part de Son propre mystère, par ce que l’on appelle la foi reçue. Et donc la posture d’accaparement de Dieu trouvée chez Hérode est remplacée par la confiance, la foi rendue à Dieu qui nous a livré Sa Parole…
La foi est une adhésion de confiance. La foi n’est pas prouvable, elle ne se situe pas au bout d’un raisonnement logique. Je ne prouve pas ma foi, pas plus que l’Evangile ne se prouve : il se prend, il s’accepte, ou il se rejette.
La démarche des rois mages est pour nous, véritablement, un exemple que Dieu nous donne : la lumière de Dieu leur est donnée (le signe en est l’étoile), c’est la foi reçue de Dieu. Et, en réponse, les mages adoptent une attitude de confiance : c’est la foi donnée à Dieu. C’est une foi totale qui dépasse infiniment tout ce qu’Hérode aurait pu découvrir de lui-même du mystère de l’enfant Dieu. C’est une adhésion à la Réalité que Dieu offre dans la lumière de la foi donnée : la foi en la royauté de Jésus (signifiée par l’or), la foi en Sa divinité (signifiée par l’encens), et la foi en Son humanité sacerdotale (signifiée par la myrrhe).
« La Gloire du Seigneur est arrivée… »
Si nous écoutons cette démarche des mages, (qui acceptent la lumière de Dieu et qui rendent, en confiance, l’hommage de leur cœur et de leur intelligence en s’avançant, se prosternant et adorant), en résonance avec la première lecture d’Isaïe, on s’aperçoit que la prophétie regardant Jérusalem s’applique tout à fait à la crèche.
« La Gloire du Seigneur est arrivée… » La Gloire du Seigneur, nous l’avons vue pendant l’Avent, ce n’est pas la gloire de la Toute Puissance. C’est la Gloire que Dieu trouve et se donne dans le Salut de l’homme. Or le Salut est arrivé en Jésus-Christ. La Gloire du Seigneur qui se lève sur Jérusalem, c’est la présence de l’Enfant-Dieu entre Marie et Joseph : « La lumière se lève sur Jérusalem… », « … et tous viendront à toi. »
« La lumière se lève sur Jérusalem… » : la lumière, c’est la lumière de la Foi, cette étoile qui signifie l’éclairage intérieur que Dieu donne aux mages et auquel les mages répondent pour s’acheminer vers Bethléem,
« Et tous viennent à toi » : c’est effectivement cette démarche des rois.
La prophétie d’Isaïe sur la gloire de Jérusalem, sur l’eschatologie, sur le Royaume en plénitude s’applique donc à la lettre et très clairement à cette crèche où il y a Jésus, le Rédempteur de l’homme, c’est-à-dire la Gloire du Seigneur, la lumière de la Foi, et les nations en marche dans cette lumière !
La crèche, image de l’Eglise dans sa perfection la plus dense…
Mais nous savons aussi que Jérusalem est la figure de l’Eglise. C’est l’image, le type, la préparation de l’Eglise du Christ. Si donc la crèche est la réalisation de la prophétie de Jérusalem, avec la Gloire du Seigneur, la lumière, les nations qui viennent, c’est donc qu’à cet instant la crèche réalise et donne l’Eglise.
Et il n’y a rien de plus vrai que de dire qu’à cet instant-là de l’Incarnation, l’Eglise se trouve dans sa forme la plus parfaite et la plus ramassée : il y a le Rédempteur, Jésus-Christ, et la première des rachetés, Marie. En ces deux personnes se condensent à la fois toute l’Eglise et toute sa perfection.
Si la crèche c’est l’Eglise, on peut définir l’Eglise à la lumière de cette prophétie d’Isaïe qui se réalise au moment où les mages parviennent à la crèche et adorent l’Enfant. On peut dire que l’Eglise est le lieu où réside la lumière de Dieu, que l’Eglise est le lieu de la foi.
On peut dire que l’Eglise est le lieu où réside la Gloire du Seigneur, c’est à dire le Salut de l’homme. C’est l’Eglise sacrement du salut. C’est donc l’Eglise comme le lieu de l’Amour divin manifesté aux hommes, lieu de la Charité.
Et on peut dire que l’Eglise est le lieu où convergent nos regards, où convergent les routes des hommes… C’est l’objet de notre espérance qui s’enracine dans la foi, , pour s’avancer comme les mages, pour atteindre le salut, pour contempler la Gloire du Seigneur, c’est à dire pour vivre le Salut de l’homme, pour se plonger dans la Charité de Dieu…
L’Eglise où l’on est et vers le cœur de laquelle on tend…
On aura remarqué qu’Isaïe lorsqu’il fait sa prophétie de l’eschatologie et du triomphe de Jérusalem, ne parle pas seulement des étrangers qui viennent ; il parle également « de tes fils et de tes filles. »
L’Epiphanie est la fête dans laquelle nous célébrons l’universalité du salut, ce mystère qui est donné aussi aux païens dont parle Paul. Mais dans l’Epiphanie, nous célébrons aussi notre propre mystère, le mystère de l’Eglise à laquelle j’appartiens et vers le cœur de laquelle je tends pour m’enraciner plus profondément.
En effet, l’Eglise est à la fois le lieu où je me trouve dans la foi et le lieu vers lequel je tends, dans l’espérance d’atteindre la perfection de mon propre salut. Je suis à la fois dans l’Eglise et je ne suis pas encore parfaitement dans l’Eglise puisqu’en effet le cœur de l’Eglise, sa perfection, c’est la charité du Christ et celle de Marie, charité que je n’atteins pas encore, Rédemption à laquelle, par cette insuffisance de charité, je ne suis pas encore pleinement incorporé.
Passer de la foi à la claire vision…
En cette fête de l’Epiphanie, nous pouvons remercier pour le Salut proclamé aux quatre coins du monde par l’Eglise missionnaire, par les religieux, par les prêtres, par les laïcs qui se donnent sur toute la terre afin d’annoncer la Bonne Nouvelle du Salut.
Mais nous devons demander la grâce aussi pour nous, chrétiens, comme le demande la prière de la Collecte, au début de la messe, de passer de la foi à la claire vision, de la foi que Dieu nous a donnée dans notre baptême, de la foi qui nous réunit aujourd’hui ici dans l’Eglise, à la claire vision. La claire vision, c’est le fruit que donne la charité totale : une vision de l’intérieur, vision d’amour, telle la connaissance du cœur que nous avons de quelqu’un que nous aimons et qui dépasse infiniment la connaissance intellectuelle.
Il nous faut passer de la foi à la claire vision, c’est-à-dire que nous, fils et filles de l’Eglise, sans mépris pour les autres, sans vaine gloire, nous devons prendre notre route, notre chemin comme les mages pour entrer plus profondément dans l’Eglise, pour nous rapprocher de son cœur. Le cœur de l’Eglise, c’est la sainteté. C’est cette charité parfaite qui réside en Jésus consacré par l’Esprit et qui est transmise parfaitement dans le cœur de Marie.
Etre missionnaire aux périphéries en tendant vers le cœur de l’Eglise
Voilà vers quoi nous devons tendre.
Et voilà aussi le moyen le plus sûr que nous ayons pour proclamer l’Evangile aux quatre coins de la terre. Il faut aider les missions financièrement, c’est vrai. Il faut même souvent se dévouer corps et âme et partir. Mais ce n’est pas demandé à tout le monde.
Comment alors véritablement aider l’Eglise missionnaire? En prenant nous aussi, comme les mages, la route, en sachant que si je suis dans l’Eglise par la foi, je dois tendre vers son cœur ! En effet, je ne suis pas arrivé au bout de la route. Je serai arrivé au bout de la route lorsque je serai, à l’exemple de Marie, parfaitement baigné dans la charité du cœur de l’Eglise, cet Esprit Saint qui a empli Marie et consacré le Christ.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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