Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
« Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous. »
Lectio divina pour le Christ-Roi
Voilà donc la solennité du Christ-Roi, avec ses fleurs, ses lumières, son luxe liturgique, pour fêter l’accomplissement du Règne de Dieu, la venue du Royaume à la fin des temps dans sa plénitude, point d’orgue qui met un terme au mystère de Jésus venu racheter les hommes et ramener avec Lui toutes les créatures pour les offrir à Son Père. C’est aussi le point final de l’année liturgique. Dimanche prochain, avec le premier dimanche de l’Avent, nous recommencerons un cycle nouveau de sanctification pour essayer de nous rapprocher un peu plus de la sainteté de Jésus à laquelle nous sommes configurés par notre baptême.
« Je dois être baptisé d’un baptême et qu’elle n’est pas mon angoisse… »
Retenons que ce dimanche du Christ-Roi, comme tous les dimanches de l’année liturgique, n’est ni un jeu ni un théâtre. Il faut que notre participation à la liturgie soit une véritable prière, une tension de notre cœur, de notre bonne volonté vers le mystère que nous célébrons. Mais, qu’est ce Royaume de Dieu que nous célébrons et que nous devrions attendre et désirer comme le Christ ?
Tournons-nous vers le bon larron : « Seigneur, souviens-Toi de moi quand Tu viendras inaugurer Ton règne ». Jésus répond aussitôt : « Aujourd’hui, avec moi tu seras dans le Paradis. » Nous avons là une définition simple du Royaume de Dieu. Le Royaume, c’est la proximité, mieux, c’est l’unité de l’âme de l’homme avec Dieu, au Ciel, au Paradis.
Le Royaume est l’unité du créé avec le Créateur
Le Ciel étant l’endroit où Dieu se trouve, le Ciel est donc tout simplement Dieu Lui-même et tout ce qui sort de Dieu lorsqu’Il déverse Sa Gloire, Son Être, Son Amour et qu’Il crée l’homme et le monde. Le Ciel est cette présence de Dieu en Dieu Lui-même et en toutes Ses réalités qui sont comme les écumes de l’Océan divin, les éclaboussures de ce dynamisme qu’est la vie de l’Amour.
Aussi le Royaume de Dieu, est l’unité de l’être créé, en tant qu’il est créé, avec son Créateur. Il faut retenir cette réalité essentielle à la compréhension de notre vie chrétienne : le Royaume de Dieu est l’être même que nous sommes, parce que nous sommes créés et parce que nous sommes aussi l’écrin de la Vie divine.
Et cette unité entre l’être créé et Dieu, ce Royaume de Dieu qui sort de Dieu, qui « répand » Dieu, est le fruit de la création par le Verbe, « premier-né de toutes les créatures », Image du Dieu invisible.
La création et l’homme sont constitués par cette Icône de Dieu et le sont donc à l’image même de Dieu. Nous rendons-nous compte que dans la création, dans cet épanchement qui sort de Dieu, qui prolonge Dieu, jusqu’aux confins de l’univers se constitue le Royaume de Dieu ? Aussi, n’y a-t-il rien de plus naturel à l’être, à la créature, à l’homme que cet état d’« être le Royaume de Dieu ». Le Royaume de Dieu est ce qui, en toute vérité, est au plus profond de cette réalité.
Dieu Se donne comme Père pour que l’homme puisse se donner comme fils
A quelle fin Dieu Se donne-t-Il ? A quelle fin Dieu S’est-Il répandu ? A quelle fin Dieu a-t-Il diffusé Sa Vie ? Pour que, dans le temps, l’homme puisse librement retourner dans la vie trinitaire pour l’éternité. Afin que l’homme puisse répondre amoureusement oui à cet enfantement de Dieu. Pour que, par ce oui posé librement et en toute conscience, l’homme assume sa filiation divine et devienne en plénitude ce fils bien-aimé.
Ce fut la vocation d’Adam à qui fut donnée toute la grâce et toute la liberté de vivre cet enfantement, de se considérer véritablement comme fils de Dieu, comme une cellule organique du Royaume de Dieu ! Par le premier péché Adam refusa de porter sur ses épaules la responsabilité d’être dans le jardin d’Eden un prolongement de la vie trinitaire, d’être le Royaume de Dieu.
Et dès ce moment-là, il y a eu cassure entre l’homme – et la création dont il est l’apex – et le Royaume de Dieu. Il n’y a plus d’identité entre l’homme et le Royaume, et l’homme ne peut plus revenir de lui-même dans ce Royaume. Seul, il ne peut plus œuvrer à sa réintégration dans la vie de Dieu.
L’Eglise, c’est le Royaume de Dieu
Alors, que va faire Dieu ? Il va re-créer. Cette re-création, dont parle Paul dans la lecture, est faite par le Verbe, non plus vu comme le Premier-né de toutes les créatures, mais comme Premier-né d’entre les morts, ces hommes morts à la vie par le péché. Le Verbe Incarné Jésus-Christ va être le re-créateur de cette seconde création, de cette re-diffusion paternelle de la Vie divine, de cet enfantement nouveau à la Vie trinitaire.
Et cette re-création, faite là encore dans le souffle de l’Esprit (à la Pentecôte) s’origine du côté du Verbe en Croix. Comme la première création, à la Genèse, est née du Verbe, Icône du Père. Cette re-création, c’est l’Eglise : l’Eglise, c’est le Royaume de Dieu.
De la même manière que lorsque Dieu créa le monde, chaque parcelle d’existence, chaque parcelle de vie était la Vie de Dieu sortie de Lui-même, de même la re-création, l’Eglise, représente à la perfection, dans une identité parfaite, le Royaume de Dieu, la Vie de Dieu sortie de Lui, prolongée, diffusée. C’est pourquoi chacun d’entre nous, baptisé, est le Royaume de Dieu. Comme le rappelle Jésus dans l’évangile de Luc : « Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous. »
« Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous. »
Voilà notre responsabilité de baptisé. Voilà l’enjeu de la fête du Christ-Roi. Fêter le Christ-Roi signifie m’engager à assumer cette responsabilité que je suis le Royaume de Dieu, que désormais le Père me regarde à travers le Fils et que je dois vivre jour après jour cette conformité à Jésus Christ, avec les exigences que cela entraîne. Chaque baptisé est le Royaume de Dieu présent dans le monde. Et chacun doit assumer cette identité personnelle avec la Vie du Fils, tourné vers le Père, dans l’Esprit. Chacun doit l’assumer jusqu’au bout de sa vie, jusqu’au moment où il réintégrera, comme naturellement, le Royaume dans son accomplissement éternel.
Fêter le Christ-Roi, c’est prendre conscience que ce Royaume de Dieu est à l’intérieur de moi-même, que je dois vivre conformément à cette présence du Royaume, donc avec Sa charte qui est celle des Béatitudes pour rendre présent dans le monde la Vie trinitaire et donc l’Amour de Dieu pour l’homme.
Mgr Jean-Marie Le Gall
Aumônier catholique
Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.
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