Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

LE MOIS DE MAI, MOIS DE MARIE, UNE DÉVOTION SURANNÉE ?

Lectio divina pour le septième dimanche de Pâques

La dédicace d’un mois à une dévotion particulière est une piété populaire récente comme le montrent les exemples suivants : Le mois de saint Joseph, mars, né à Viterbe, fut approuvé par Pie IX (12 juin 1855) ; le mois du Rosaire, octobre, né en Espagne, fut approuvé par Pie IX (28 juillet 1868) et demandé par Léon XIII (1883) ; le mois du Sacré Cœur, juin, né au couvent des Oiseaux de Paris en 1833 et encouragé par Mgr. de Quelen, fut approuvé par Pie IX (8 mai 1873) ; on connaît encore le mois des âmes du Purgatoire approuvé par Léon XIII en 1888 (novembre),…

Prier Marie avec les Jésuites pour grandir en vie chrétienne

Le « mois de Marie » est le plus ancien de ces mois consacrés. Il vit le jour à Rome au XVIII° siècle, peut-être autour du collège romain des Jésuites, d’où il se diffusa dans les Etats Pontificaux, puis dans le reste de l’Italie et enfin dans toute la catholicité. La promotion du « mois de Marie » doit beaucoup aux Jésuites et à des écrits comme le « Mensis Marianus » du RP. Jacolet en 1724, le « mese di Maria », du RP. Dionisi en 1725, ou encore le « mese di Maria ossia il mese di maggio » du RP. Lalomia en 1758. Après eux, vint le « mese di Maria » que publia le P. Alphonse Muzzarelli à Ferrare en 1785, qui connut plus de cent cinquante éditions en un siècle, et qui fut traduit en français, en espagnol, en portugais, en anglais et en arabe.

Avec le P. Muzzarelli, il ne s’agit plus de méditer seulement la vie, les vertus et les privilèges de la Sainte Vierge, mais de s’en inspirer pour sanctifier la vie quotidienne en pratiquant chaque jour une vertu. Ainsi, chaque jour du mois du mai, les fidèles méditent une vérité de la vie chrétienne en fonction de laquelle ils s’imposent une pratique particulière, puis font une invocation et chantent un cantique à Marie.

La Vénérable Louise de France, zélatrice de la Mère de Dieu

Le « Mois de Marie » atteint la France à la veille de la Révolution grâce aux ouvrages des Pères Lalomia et Muzzarelli. La vénérable Louise de France, fille de Louis XV et prieure du carmel de Saint-Denis, fit traduire le livre du P. Lalomia dont elle fut une zélée propagatrice. Cet usage n’eut un caractère général qu’avec les missions populaires de la Restauration, après qu’il fut officiellement approuvé et enrichi d’indulgences par le Saint Siège (1815).

Selon beaucoup, les Jésuites n’auraient fait que codifier des pratiques antérieures et, surtout, en souligner l’élaboration familiale. Ils recommandaient que, la veille du premier mai, dans chaque appartement, on dressât un autel à Marie, orné de fleurs et de lumières, devant quoi, chaque jour du mois, la famille se réunirait pour réciter quelques prières en l’honneur de la Sainte Vierge avant de tirer au sort un billet qui indiquerait la vertu à pratiquer le lendemain.

Une dévotion européenne…

On se souvient, par exemple, qu’au XIII° siècle, le roi de Castille, Alphonse X (1239-1284), avait déjà associé dans un de ses chants la beauté de Marie et le mois de mai. Au siècle suivant, le bienheureux dominicain Henri Suso avait, durant l’époque des fleurs, l’habitude de tresser des couronnes pour les offrir, au premier jour de mai, à la Vierge. Saint Philippe Néri (1515-1594) exhortera les jeunes gens à manifester un culte particulier à Marie pendant le moi de mai où il réunissait les enfants autour de l’autel de la Sainte Vierge pour lui offrir, avec les fleurs du printemps, les vertus qu’il avait fait éclore dans leurs jeunes âmes.

A Cologne, en 1664, les élèves des Jésuites pratiquaient déjà, au mois de mai, des exercices de piété en l’honneur de Marie, tandis qu’en Alsace, des jeunes filles, appelées Trimazettes, quêtaient de porte en porte pour orner de fleurs l’autel de la Sainte Vierge.

Outre qu’au début du XVIII° siècle, l’église franciscaine et royale Sainte Claire de Naples connaissait au mois de mai un office populaire marial quotidien, les dominicains de Fiesole, en 1701, décidaient d’honorer la Vierge tous les jours du mois de mai, ce qui se faisait aussi près de Vérone (1734) et, un peu plus tard à Gênes (1747).

Prendre Marie chez nous comme saint Jean !

Grâce à la richesse spirituelle de nos ancêtres, l’Église nous invite donc à revisiter notre dévotion mariale. Seul ou en famille, par le chapelet ou la prière silencieuse, par la poésie personnelle ou psalmique, il est bon de revivifier notre relation à celle que Jésus déclara être notre Mère. A la suite de Jean, nous sommes invités à prendre Marie chez nous, à l’installer dans notre maison bien sûr, mais surtout à l’intérieur de notre cœur.

Nous sommes ses enfants ; rien ne lui plaît plus que de nous entendre balbutier son titre de Mère. C’est sa gloire, si tant est que l’on puisse imaginer la Toute-Belle se glorifier de quoi que ce soit en dehors de Dieu ! Mais n’est-ce pas là l’humilité de Dieu que de savoir trouver Sa Gloire dans le salut de Ses créatures ?! Et n’est-ce pas à cette petitesse que Marie fut associée dès le commencement ?! N’est-ce pas la raison pour laquelle son premier titre de gloire chanté par le Magnificat est précisément cette humilité qu’elle partage avec Dieu : « Il s’est penché sur la petitesse de sa servante » ?!

La petitesse dont il est question ici et qui plaît à Dieu, qui attire Dieu au point qu’Il fasse Sa demeure en ce sein très pur, n’est pas celle que nos yeux voient suivant les critères du monde : une jeune fille, perdue dans le bled d’un pays colonisé… La petitesse de Marie, qui façonnera celle de Jésus, c’est d’être instinctivement poussée à prendre la dernière place, comme à Bethléem, et à ne se réjouir que du Règne de Dieu qui arrive : « Adveniat regnum tuum ! » Ce sera également la joie de Jésus, qui avait un grand désir du baptême de sang par lequel ce Règne allait advenir…

Marie, la Vierge devenue Eglise…

Quel que soit le mode choisi pour manifester notre dévotion à Notre Dame, nous devons profiter du mois de Mai qui se déroule dans la Lumière pascale pour contempler Marie vivant elle aussi, avant nous et pour nous puisqu’elle est notre Mère, cette cinquantaine qui mène de la Résurrection du Fils à la naissance de l’Église.

Nous savons que l’invasion de l’Esprit sur Marie à l’Annonciation est le modèle de l’action transformante de l’Esprit sur l’âme chrétienne. C’est le paradigme de cette société qu’est l’Église, née à la Pentecôte, que Marie a révélé par anticipation à l’Annonciation. C’est pourquoi Saint François d’Assise a chanté : « Salut Marie Dame Sainte ! Reine, Sainte Mère de Dieu ! Tu es la Vierge devenue Église ! »

Marie, pure capacité de Dieu…

C’est ce que Marie propose de nous offrir et de nous faire vivre dans le secret de notre cœur à cœur filial durant ce mois préparatoire à la Pentecôte. La Vierge, que nous allons faire proche de nous, découvrira à notre âme comment l’Esprit veut devenir l’âme de notre âme. Comme Il fit avec elle.

En nous dévouant à elle corps, cœur et âme, Marie nous indiquera comment accueillir en plénitude l’Esprit en nous. Notre Mère nous éduquera ainsi à célébrer, en membres vivants, de l’Église le mémorial de la naissance du Corps, après que nous ayons célébré le mémorial de la re-naissance de la Tête.

« Donne tout afin de tout recevoir ! »

La dévotion mariale n’a pas d’autre fin que de nous apprendre à laisser envahir notre âme par l’Esprit sans opposer de résistance, en acceptant d’être, comme Marie, investi totalement sans rien réserver, sans rien garder : « Sois généreux à ton tour ! Ce que j’ai fait, ne peux-tu le faire à ton tour ? Dépouille-toi ! Jette tout ! Donne tout afin de tout recevoir ! » Cette leçon du Soulier de Satin, nous pourrions l’entendre de la bouche de Marie nous accompagnant dans ce temps pascal…

Comme l’écrivait Saint Jean Paul II, la contemplation des mystères du Christ avec les yeux de Marie doit inciter « les croyants à prendre une conscience toujours plus vive de leur existence nouvelle dans le Christ, dans la réalité de l’Église, existence dont la scène de la Pentecôte constitue la grande ‘icône’ » (Rosarium Virginis Mariæ n°23)

Se dévouer à Marie, c’est s’appliquer à vivre comme elle

Se dévouer à Marie, c’est s’appliquer à vivre comme elle. C’est l’imiter, tout particulièrement dans la manière dont elle s’ouvrit à l’énergie lumineuse de l’Esprit pour communier au mystère pascal. C’est comprendre avec elle que ces heures douloureuses et glorieuses venaient achever le mystère de l’Incarnation dont elle était la matrice originelle, la Source à la fois scellée et prodigue.

Car en naissant de son sein, Jésus pu renaître dans le sein du Père. En passant du Père à son cœur vierge, Jésus pu passer de l’humanité à la Gloire. Il en ira de même pour nous. Nous renaîtrons vraiment dans la liturgie du mystère pascal, si nous acceptons humblement de nous blottir dans le sein de la Vierge-Mère. Et nous serons capable de passer à la gloire du Père, si nous acceptons de descendre de nous-mêmes, de nous oublier et de nous confondre avec son humilité parfaite.


Mgr Jean-Marie Le Gall

Aumônier catholique

Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, Clamart.

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