Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.
Lectio divina pour le cinquième dimanche de carême
NE CONNAÎTRE QU’UNE SEULE CHOSE : JÉSUS MORT ET RESSUSCITÉ !
Avec le 5° dimanche de Carême, l’Eglise nous fait entrer dans le temps de la Passion, préparation lointaine qui se précisera avec la célébration de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem. En effet, il nous faut bien une semaine pour nous établir dans une réflexion sur le sens profond de la Croix ! C’est pour nous aider à cette réflexion, sur le sens profond de la Croix que l’Eglise nous invite à voiler l’instrument de notre Salut. Nous devons partir à la recherche de la Croix non pour demander les croix, ce qui est interdit, mais pour pénétrer le sens, le pour quoi de cet instrument de supplice que Jésus a voulu embrasser.
« Par la Croix, Il a réconcilié le monde avec Dieu »
Le sens de la Croix, c’est la réconciliation, et c’est pour cela que l’Eglise, encore aujourd’hui, après l’enseignement du fils prodigue, propose de réfléchir sur ce qu’est la réconciliation de l’homme avec Dieu. Cette réconciliation, Dieu l’a voulue depuis les origines, depuis ce péché d’Adam et Eve. Et tout au long de la révélation de l’Ancien Testament, Yahvé prépare le cœur de l’homme à recevoir ce message de la réconciliation.
C’est la lecture du prophète Isaïe, qui d’abord nous décrit la Toute Puissance de Dieu sur la nature comme sur les hommes, sur le cours de l’histoire comme sur le cours des fleuves, sur la dureté des guerriers comme sur celle du désert. Mais le prophète veut souligner l’existence d’une Toute Puissance qui dépasse la seule puissance de Dieu sur la nature et sur l’histoire.
Réfléchissons… Dieu serait-Il encore Dieu s’Il ne possédait pas, au-delà de cette puissance, la puissance du pardon ? Parce que finalement la Toute Puissance de Dieu sur la nature, sur l’histoire, reste limitée, Dieu se devant de respecter la loi de la nature ! Il ne peut transformer un cheval en vache… Alors que la Toute Puissance de son Cœur n’a pas de limite. Il est déjà beau de faire surgir « de rien » les êtres à l’existence, de leur donner la vie. N’est-il pas plus beau de faire surgir du mal, de cet amas de glaise spirituelle qu’est l’homme pécheur et condamné, une nouvelle vie ? N’est-il pas plus beau de la part de Dieu Tout Puissant d’arriver à re-créer ?
« J’oublie les péchés et je fais un monde nouveau »
Si Dieu S’est Lui-même limité par la loi naturelle qu’Il respecte, Dieu ne s’est jamais limité dans la force de Son Cœur. Si la loi de la nature contraint Dieu et limite en quelque sorte Sa puissance, le mal n’a jamais limité Dieu. Comme dit l’Ecriture, tout est convertible en bien, et du mal lui-même qui est venu s’enfoncer au cœur de l’homme pécheur, Dieu peut faire surgir le bien en manifestant Sa miséricorde, c’est-à-dire la Toute Puissance de Son Cœur qui pardonne, purifie et relève. Voilà la véritable toute puissance de Dieu, celle qui seule est illimitée, voilà la toute puissance qu’Isaïe veut nous faire contempler. « J’oublie les péchés et je fais un monde nouveau. »
Et ce monde nouveau prédit par le prophète, voilà qu’il se manifeste en Jésus-Christ. La femme adultère, qui a commis dans ce monde juif la faute la plus grave et encourt de facto la lapidation, cette femme adultère, c’est mon âme ! Combien de fois Dieu a-t-il usé de ce mot qui sonne mal à nos oreilles pour décrire l’attitude de Son peuple face à Son alliance ! L’adultère, n’est-ce pas la tromperie ? Et lorsque je pèche, ne suis-je pas en train de tromper Dieu ? Lui qui a mis tout Son Amour, toute Sa confiance en me donnant justement l’être, la vie, mes qualités et capacités, qui me donne aussi Sa grâce dans le baptême, qui me donne tout ce potentiel pour aller vers le bien, pour participer de Sa vie…
Et voilà, qu’à l’image de Paul avant sa conversion sur la route de Damas, j’utilise souvent, fréquemment, ces capacités, ces dons pour faire le mal. J’utilise mon intelligence pour l’orgueil, j’utilise mes forces physiques pour la sensualité, j’utilise ma lumière pour la médisance, pour l’indiscrétion. Je trompe Dieu ! Je trahis Son amour, conjugal. Oui, je suis adultère !
« Va et désormais ne pèche plus ! »
Mon âme se trouve en face de Jésus comme la femme présentée par ses coreligionnaires. Mais Jésus ne se met pas en face de moi, debout car Il n’est pas venu pour condamner c’est-à-dire pour laisser les choses en état, pour me laisser vers la mort, Il est venu pour sauver ce qui était perdu. « Va, moi non plus je ne te condamne pas », Je ne te laisse pas sur ton chemin de misère qui entraîne à la perdition, à ta destruction propre. Non, Je ne te condamne pas. « Va et désormais ne pèche plus ! »
Non seulement, Jésus ne condamne pas, non seulement, Il me demande d’oublier ces fautes, ces péchés, ce passé, mais Il m’envoie en mission pour repartir dans une vie nouvelle, Il me relève, Il me ressuscite et m’ordonne de ne plus pécher ! Ah que c’est difficile… Combien de fois, nous-mêmes, en allant au sacrement de la réconciliation, nous avons cette certitude intérieure, fataliste, que nous allons retomber dans ces fautes que nous venons accuser !
Nous faisons de la confession une mécanique. Nous ne croyons pas profondément, non pas à la grâce de l’absolution, mais en cet élément si important de l’envoi en mission dans la nouvelle de cette résurrection : cet ordre que Jésus nous donne et, avec cet ordre, la grâce qu’Il nous donne pour que nous puissions vivre le « Va et désormais ne pèche plus. »
« Je cours devant en regardant le bien »
Cela semble bien difficile parce que je reste avec l’œil braqué sur ma misère, sur ma faiblesse. C’est pour cela que Paul nous dit : « Ne regardez pas le passé » ! Ne regardez pas ce qui désespère, ne regardez pas cette misère mais regardez vers le bien qui nous attend : « Je ne suis pas arrivé, je n’ai pas encore saisi en plénitude Jésus, mais je me relève oubliant le passé et je cours devant en regardant le bien. » Quel bien ? Où est ce bien que Paul me demande de regarder pour m’encourager ? Ce bien, il est en moi, il est venu en mon âme avec le pardon de Dieu. Par ce sacrement de réconciliation reçu, Jésus n’est-Il pas en mon âme présent avec toute Sa force, toute Sa vertu, toute la grâce qui fut la Sienne, avec la puissance de Sa Résurrection ? Et Jésus n’est-il pas le Bien ? L’Homme Nouveau par excellence ? Le Premier-né de toutes les créatures ? Le Premier-né d’entre les morts ?
« Je dois connaître Jésus-Christ »
Alors, c’est ce Jésus-là qu’il faut que je connaisse : « Je dois connaître Jésus-Christ » dit Paul. Pas seulement d’une connaissance intellectuelle, mais d’une connaissance de participation : c’est ce que signifie le mot de communion. Je dois participer à la vie de Jésus, je dois donc participer à Sa mort. Lorsque je confesse mon péché, ce péché qui a tué Jésus, ce péché qui a enfoncé les clous, ce péché qui a enfoncé la couronne d’épines, ce péché qui a participé à la flagellation, lorsque je confesse ce péché, je participe à la mort de Jésus. Je suis beaucoup plus près du Cœur de Jésus que Simon de Cyrène, je suis beaucoup plus près du Cœur de Jésus que Véronique, car je suis en Jésus mourant.
Et lorsque je reçois l’absolution, lorsque Jésus répond à ma participation à Sa mort, en se réconciliant avec moi, Il me fait participer à Sa Résurrection, Il m’y fait communier, me faisant plus proche de Lui que Madeleine ne l’était en voyant son Maître dans le jardin du tombeau. Jésus me noie dans Sa Vie !
« Tout est possible à Dieu »
Voilà la connaissance que je dois avoir de Jésus-Christ, de Sa présence en moi, à l’occasion du sacrement de la réconciliation. Je sais qu’humblement, à ma place, toute petite, j’ai participé à Sa mort, et je sais qu’à Sa place, toute grande, sans mesure, en recevant la miséricorde de Dieu, je participe à Sa Résurrection.
Alors, ce « va et ne pèche plus », cet ordre de mission qui me semblait impossible et qui dépassait mes forces en tant qu’homme devient possible, parce que tout est possible à Dieu ! Oui, c’est Jésus en moi, c’est Jésus retrouvé dans l’absolution du ministre qui fait fructifier ce don du Père obtenu par le Fils et transmis par l’Esprit.
Voilà le seul avantage dont nous parle Paul. Le seul avantage du chrétien : c’est cette confiance, cette foi qui me rend juste, cette foi en la présence de Jésus mort et ressuscité, mort au péché que j’ai tué en Lui, et ressuscité à la Vie Divine, la Vie Divine que je reçois de Lui, Lui qui est en moi.
A côté de cela, les misères du monde, les misères de la nature, les misères de la politique, et même les plus grandes misères que sont les misères spirituelles, tout cela, n’est que détritus, ordures, n’a aucune valeur… Cela vaut la peine d’être oublié pour n’avoir que le regard fixé non seulement sur Jésus, l’Homme Nouveau, mais sur ce germe d’Homme Nouveau qui est Sien, qui est en moi et devient mien lorsque je me suis confessé et qui me permet de vivre l’ordre de mission de Jésus : « Va, désormais, ne pèche plus. »