Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.
Lectio divina pour le premier dimanche de Carême
« JE RENONCE AU PECHE, JE CROIS EN DIEU ! »
A partir du 1er dimanche de Carême, l’Église concentre notre regard sur l’objet essentiel de la prédication du Christ : la Croix. Saint Paul écrira lui-même qu’Il n’a voulu connaître, savoir, enseigner qu’une chose : « Jésus et Jésus-Christ crucifié ». Et c’est pour cela que, dès ce dimanche, le decorum liturgique, s’est simplifié au maximum : pour orienter notre regard sur la Croix, qui doit dominer l’autel puisqu’elle est instrument de mort et instrument de Vie, puisque c’est par elle que nous est venu le Salut et la Rédemption.
La Croix, modèle de la vie pour Dieu…
Nous entrons en carême. Mais notre carême n’a pas d’autre raison d’être que la croix qui domine notre autel. De même que la sainte quarantaine du Christ n’avait pas d’autre raison d’être que la Croix qui la termine, selon la phrase finale de l’évangile de Luc : « Le démon le quitta pour revenir au temps fixé. » A Cana Jésus dira aussi à Marie, souvenons-nous en : « Mon heure n’est pas encore venue », c’est-à-dire l’heure de la Croix, l’heure du sacrifice. La Croix est l’acte de Jésus, l’acte de Sa vie, l’acte qui résume Sa vie car c’est le baptême du sang tant désiré dans lequel Il s’engage effectivement, dans lequel Il réalise cette vocation de l’homme – dont Il est le parfait représentant – qui est d’être tourné vers Son Père, dépouillé de Soi pour n’être que regard de complaisance à l’image du regard que le Père Lui-même porte sur Son Fils et en réponse à cette bienveillance que le Père porte au Fils unique.
Jésus, dans l’acte de la Croix, dans ce baptême de sang, réalise cette vocation extraordinaire, visiblement, devant nos yeux, de la mort à soi-même et de la vie pour Dieu. Plus exactement : de la Vie pour Dieu et donc de la mort à soi-même, de la conversion vers la Vie, vers le Bonheur, du cheminement, de la tension vers Celui de qui tout vient, vers Celui qui est en tout et en tous, vers Celui qui est la Vie, qui est l’Amour, qui est la Bonté, qui est l’Etre et qui nous appelle à partager cette éternité, cette béatitude.
« Afin que vous aussi, vous fassiez de même ». Jésus réalise dans la Croix le dépouillement de Sa personne jusqu’au bout, jusqu’à la dernière goutte de sang, sans rien retenir, – « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » –, afin que nous aussi, nous fassions de même. Et cet acte d’amour, cet abandon de soi au profit de Dieu, vivre pour le bon plaisir de Dieu, n’est-ce pas beau ?…
La Croix attire les hommes à se donner comme Dieu Se donne par Amour
Jésus nous a « piégés » par Sa croix. Il nous l’a dit : « Quand je serai élevé, j’attirerai tout à moi », et effectivement nombreux sont les hommes, qui, paradoxalement, ont été attirés vers la Vie, vers Dieu, non par les richesses -comme Satan essaie de nous attirer à la suite du Christ au désert- mais par ce don définitif de soi au Bien. Parce qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ; parce que l’homme en regardant Jésus sur la Croix découvre la tendresse de Dieu et essaie tant bien que mal d’y répondre.
Depuis notre baptême, notre vie est aussi marquée par la Croix. D’ailleurs qu’est-ce que notre baptême, si ce n’est l’insertion en cet acte de Jésus qui est de mourir à soi-même, non pas par masochisme, mais pour découvrir en soi la puissance de Dieu, pour être tourné, tel la fleur, vers le Soleil, vers Celui qui me donne la Vie, ce Père qui m’aime d’un Amour sans mesure ?
Notre baptême est notre croix
Notre baptême est cette configuration à l’acte de Jésus, à la réalisation effective de l’oubli de soi pour être tout au Père.
Souvenons-nous de ce que Claudel fait dire à l’un de ses personnages : « J’ai voulu me précipiter encore une fois, me serrer près du tombeau vide et mettre ma main dans le trou de la Croix. Est-ce que le but de la vie est de vivre ? Il n’est pas de vivre mais de mourir et non point de charpenter la Croix, mais d’y monter pour s’y laisser clouer, et donner en riant largement. Là est la grâce, là est la vie, là est l’enfance éternelle, parce que la vie n’a de valeur que dans la mesure où elle est donnée, où elle est transmise. » Voilà notre baptême. Qu’il est loin ce premier sacrement et qu’il est oublié le sens de ce baptême qui nous a insérés dans l’Église et qui ne se traduit souvent dans la mémoire des hommes que par une inscription sur un registre ! Alors que c’est un engagement : l’engagement de nos parents, parrains et marraines que nous avons voulu faire nôtre lors de notre profession de foi, et que nous réitérons chaque année lors de la Vigile Pascale : – Je m’engage à la suite de Jésus à mourir à moi-même pour vivre pour mon Père, à quitter mes passions, à quitter mon regard sur moi, à quitter mon égoïsme pour être tout à Lui… !
Alors, quand nous regardons le Sacrifice unique parce que parfait de Jésus, lorsque nous regardons l’irréversibilité de son baptême de sang et que nous comparons toutes nos hésitations, nos tergiversations !… Lorsque je regarde comment je vis mon baptême, lorsque je regarde combien de fois dans une journée, je me reprends lorsque je vois comme j’ai du mal à donner, comme j’ai du mal à vivre, à réaliser, à tenir la promesse de mon engagement qui consiste à regarder mon Père et à L’aimer : quelle tristesse !
Dieu s’engage dans notre baptême à nous donner Sa Grâce
Face à Jésus qui a tout donné en une seule fois jusqu’à la mort et la mort de la Croix, lorsque nous regardons nos maigres donations, nos reprises, nous avons l’impression que Dieu est absent de nos vies. Oui et non. En fait, c’est nous qui sommes absents de Dieu ! Dieu est fidèle. Dieu s’est engagé comme Il s’est engagé déjà avec le Christ : « Il m’a consacré pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. » Dieu s’engage à nous donner la force, pour pouvoir nous vider et nous remplir de Lui, dans notre cœur, dans notre corps, dans notre esprit. Dieu s’engage dans notre baptême à nous donner, par la foi, la force de tourner notre esprit vers Lui, par l’espérance, la force de tourner notre corps vers le Ciel et par la charité la force de tourner notre cœur vers Son Cœur plein de tendresse et d’infinie miséricorde. Dieu s’engage dans notre baptême. Il est toujours là. La grâce est toujours à notre porte : « Je suis là à la porte de ton âme et je frappe, et j’attends que tu m’ouvres pour manger avec toi ».
Convertissez-vous et croyez à l’Évangile
Nous, nous laissons ces forces inutilisées, nous ne les réalisons pas dans notre vie. Que faisons-nous de notre foi ? Que faisons-nous de notre espérance chrétienne ? Que faisons-nous de notre charité ? De notre dernière Eucharistie ? De notre dernière confession ? Savons-nous que nous avons cette charité au moins dans notre âme par l’Esprit de Dieu qui nous a été donné, retrouvé dans la réconciliation, augmenté par l’Eucharistie ? Nous ne sommes pas seuls ! Dieu est en nous, notre corps est le Temple de l’Esprit ! Que faisons-nous de cela ? Quels actes arrivons-nous à poser dans le dépouillement de nous-mêmes à la suite de Jésus ?
Allez… Convertissons-nous. Prenons des résolutions aujourd’hui dans l’Église, avec l’Église qui nous propose de réaliser ces forces divines qui nous sont données, et qui sont en nous, de les mettre en pratique afin qu’effectivement notre esprit, notre corps, notre cœur soient tournés vers la Lumière, vers la Vérité, vers notre Père, vers la Vie, vers l’Être.
Le Carême, préparation à renouveler mon engagement baptismal
La prière doit être notre engagement, notre réponse à l’engagement de Dieu dans la foi. Tourner mon esprit non pas vers moi-même, mais vers la Vérité de Dieu.
La pénitence est la réponse que je dois donner à la vertu d’espérance que Dieu met en moi pour que mon corps soit tourné vers les biens d’En-Haut, vers les biens de l’Éternité.
Le partage, le troisième acte du carême, est l’acte que je dois poser en réponse à la charité que Dieu me donne pour tourner mon cœur vers Dieu et vers les autres.
Prière, pénitence, partage, nous pouvons poser ces actes si nous le voulons parce que dès notre baptême, avec nos confessions, avec nos Eucharisties, Dieu met en nous de quoi effectivement nous oublier pour regarder vers Lui, pour regarder vers la Vie, pour trouver la Vie, pour grandir dans la Vie, pour marcher vers la Vie.
Si je m’applique pendant cette sainte quarantaine à poser des actes vrais de prière dans la foi, de pénitence dans l’espérance, de partage dans la charité pour ne plus être à moi-même, mais pour être à Lui, alors quand viendra le vendredi Saint, je pourrai recevoir le morceau de croix que Jésus me prépare pour le porter avec Lui. Et je serai prêt aussi, le matin de Pâques à recevoir la Vie divine en surabondance qu’Il désire me donner pour porter cette petite croix supplémentaire. En un mot, pour que mon renouvellement baptismal de la Vigile soit quelque chose de vrai, de vécu : « Je renonce au péché, Je crois en Dieu ».