Lectio divina
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.
Lectio divina pour le deuxième dimanche du temps ordinaire
VERSEZ-VOUS, PUISEZ-MOI ET DONNEZ-MOI PAR VOUS …
Avec la nouvelle année civile commence une première partie du Temps Ordinaire. Temps liturgique merveilleux qui permet à chaque fidèle de ruminer dans les verts pâturages la nourriture copieuse reçue lors des festivités liturgiques rendant présents les actes principaux de la vie du Christ : Sa naissance puis Sa passion et Son mystère pascal qui s’achève par la résurrection de Son nouveau Corps, l’Église, lors de la célébration de Pentecôte. Entre ces évènements qui nous font communier de manière mystérique (mystérieusement la liturgie nous fait rejoindre l’histoire de Jésus en tant qu’elle est porteuse des grâces de Ses actes), il y a comme un temps de repos, de rumination pour que chacun assimile les grâces.
Assimiler les grâces, telle est la vocation du Temps Ordinaire
Ce n’est pas en chercher un ressenti sensible, c’est en tirer un profit maximal propre à chacun, à sa position sur le curseur de sa vie, aux besoins de chacun pour assumer les évènements de son histoire. C’est ainsi que Dieu intervient dans notre histoire et en fait une histoire sacrée. Il ne modifie pas son cours, sauf cas exceptionnel et miraculeux. Mais Il nous donne la lumière pour lire les jours comme un lieu de rencontre avec Lui. Soit directement par l’offrande de notre cœur à Sa Sainteté, soit indirectement en passant par le don aux frères.
Cela renvoie à la belle histoire de Samuel. Sur le conseil d’Élie, qui joue à l’occasion le rôle de directeur spirituel, Samuel se met en attitude intérieure d’écoute pour entendre l’appel du Seigneur : « Parle, ton serviteur écoute. » Il est disponible à la grâce qui passe par la Parole. Pour nous, dans le temps de l’Église, cette Parole s’est incarnée et est passée par le pressoir de la Croix. Elle nous parle donc par Son sacrifice eucharistique. Ecouter la Parole, ce n’est pas d’abord la connaître en tous ses aspects littéraires. C’est naître à elle, la co-naître. C’est se mettre en attitude de recevoir la Parole eucharistiée afin qu’elle nous transforme de l’intérieur, comme une Loi spirituelle qui « nous agit ». Lorsque nous sommes réceptacles de l’Esprit de Dieu (présent dans la Parole et dans l’Eucharistie comme un bijou dans son écrin), nous pouvons « marcher selon Ses Lois », comme le dit Ézéchiel. Pour Samuel, sa disponibilité à la Parole fait que « le Seigneur était avec lui et aucune de ses paroles ne demeura sans effet. »
Être présent à Dieu pour qu’Il soit présent à moi
Voilà quelle est la fonction du temps ordinaire qui suit Noël : nous aider à prendre acte que dans notre vie quotidienne, Dieu est l’Emmanuel, Dieu avec nous. Pour toujours. Chaque jour. A jamais. Il suffit que nous acceptions d’être présent à Lui pour qu’Il devienne présent à nous. Je dirais que « marcher en présence de Dieu », comme y invite souvent la Parole, c’est tout simplement être vraiment conscient que Lui est le Père toujours présent à son enfant. Nous prierons la Collecte en pensant à cette communion filiale au Présent. Cela nous évitera d’y voir une invocation déiste ou théiste au Grand Horloger. Si Dieu régit l’univers du ciel et de la terre, nous savons par Sa Révélation en Jésus qu’Il est le Père de toutes les créatures visibles et invisibles. Il leur est présent non seulement au titre de Créateur mais au titre de cette paternité d’amour. C’est pourquoi Il peut exaucer les prières de Son peuple (peuple choisi pour lequel Il est Dieu-avec).
Exaucer nos prières n’est pas une soumission de Dieu à nos volontés capricieuses. C’est au contraire nous donner la grâce de construire, devant Lui, en Sa Présence, dans l’Amour, un monde de Paix. C’est à cette fin d’ailleurs que le fidèle s’approche de la table eucharistique. Le fruit de la communion est en effet la greffe toujours renouvelée de chacun à la Personne du Christ et, automatiquement, la communion à tous les frères de Jésus par le lien de la Paix que l’Esprit unique renforce en venant en chacun, comme le rappelle Paul dans la deuxième lecture. Telle est notre démarche rappelée par la prière sur les offrandes et par la post-communion.
A Noël, Dieu se fiance à l’humanité
Le Temps ordinaire est donc un temps donné pour savourer les grâces de l’union célébrée par le mystère de Noël. En naissant parmi les hommes Dieu se fiance à l’humanité. Il consommera ces épousailles en donnant Sa vie pour elle sur la Croix. Les lectures rappellent donc à juste propos le sens mystique de l’Incarnation. La terre n’est plus désolée, car l’humanité est l’épousée de son Créateur. Le plus merveilleux étant que cette appellation n’est pas une qualification générique : chaque âme humaine doit se voir comme la préférée de son Dieu, comme la jeune fille choisie délicatement par Celui qui veut se donner à elle. En contemplant ce très pur amour de Dieu, l’homme, la femme peuvent réajuster la manière dont ils s’aiment dans le mariage qui est le signe de l’union du ciel et de la terre. Comme le suggère la Parole d’Isaïe, il n’est pas question de « prendre » une femme comme le langage courant nous le suggère. Il s’agit pour le conjoint de « mettre en son épouse sa préférence », le suc de ce qu’il est, la fine pointe de son cœur. Ce n’est pas d’abord la semence engendrante. C’est avant tout le sommet de son amour le plus chaste et donc le plus libre.
Versez, puisez, donnez…
Cana est l’image la plus délicate par laquelle Dieu nous signifie Son désir de s’unir à chacun de nous. C’est probablement pour cette raison que Jésus accepta l’invitation de venir aux noces. La réalité de ce premier signe de Cana, derrière le prodige du miracle, c’est la manifestation que Dieu aime l’humanité d’un amour fou qui ne se reprend pas et se donne jusqu’à la mort. Pour participer à cette union, pour répondre à la demande en mariage du Seigneur, il suffit de déposer dans les cuves de pierre notre vieille humanité, de puiser à la source des sacrements l’Humanité nouvelle du Christ et de se présenter ainsi à nos frères pour qu’ils puissent à leur tour venir se désaltérer à la source de l’Amour. Versez, puisez, donnez… telle pourrait être notre devise pour la deuxième semaine du Temps Ordinaire !