Lectio divina

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposées par l’Église pour la Messe du jour.

Bartolomeo Passarotti (1529-1592)

Lectio divina pour le Christ-Roi 2015

PRENDS PITIÉ SEIGNEUR DU PÉCHEUR QUE JE SUIS

Nous clôturons dimanche, avec la fête du Christ-Roi, le cycle liturgique, année liturgique qui a couru sur 2014-2015. Mais, savons-nous en fait, ce que représente l’année liturgique ?

L’Année liturgique, le seul moyen de vivre en Jésus la vie du Sauveur

L’année liturgique est le moyen pour l’Eglise de vivre mystériquement les actes de la vie du Christ non pas pour se les commémorer seulement, mais pour y participer, c’est à dire pour en tirer la grâce, le bénéfice de vie divine. L’Année Liturgique c’est l’union de l’Église à chacun des mystères de Jésus depuis Noël jusqu’à ce mystère dernier qui est d’une nature un peu autre parce qu’il n’est pas encore venu : le retour glorieux, le retour de Jésus dans la gloire.

De la sanctification à la sainteté…

Il est relativement facile de s’unir au mystère de l’Incarnation, de s’unir au mystère pascal, de revivre la Pentecôte. Mais aujourd’hui, l’Eglise nous demande de vivre un mystère que Jésus n’a pas encore vécu historiquement à savoir le mystère de la Parousie. Mystère des mystères, car mystère non vécu et mystère qui clôt l’histoire mystérieuse du Fils de l’Homme. En effet, lorsque Jésus reviendra dans Sa gloire, il n’y aura plus pour l’Eglise de mystère à vivre. Ce sera le face-à-face. Ce sera la vision de Dieu. Ce sera la fin de ce temps que Dieu nous donne pour L’aimer. Ce sera la fin de la sanctification et le début de la sainteté. Ce sera le Royaume ! L’Eglise a donc judicieusement choisi de terminer son année liturgique par ce mystère dernier de la Parousie de Jésus.

« Ma parole vous juge, et vous êtes déjà jugés »

Nous voyons donc que le mystère que nous vivrons dimanche est bien particulier. Et puisque le mystère n’est pas venu, nous pouvons avoir tendance de faire de cette fête du Christ-Roi l’anticipation hypothétique d’un retour futur auquel est lié donc l’instauration du Royaume, l’appartenance au Royaume, c’est à dire le Jugement. Alors, on peut imaginer à notre convenance les critères sur lesquels s’établiront ce Jugement.

La fête du Christ-Roi nous rappelle au contraire par le texte d’évangile que le Jugement est déjà venu ! Jésus le dit ailleurs dans l’évangile  » Ma parole vous juge, et vous êtes déjà jugés.  » C’est sur ce point que l’Eglise veut attirer notre regard, pour ne pas nous induire en erreur et nous laisser dans une espèce de douce et fausse attente. Combien de fois entendons-nous :  » Jésus est bon, Dieu est miséricorde, il n’y a plus d’enfer, il n’y a plus de péchés…  » Or si nous voulons savoir comment nous serons jugés à la fin du monde, retournons à l’Evangile !

Reprenons ces quelques mots simples que les évangélistes ont rapporté de Jésus, mots sur lesquels le fléau de la balance sera installé.  » Ce sont mes paroles qui vous jugent.  » Nous sommes déjà jugés, même si Jésus n’a pas encore effectué Son retour en Parousie !

« Je suis venu rendre témoignage à la Vérité »

Cependant, cette année B du cycle triennal liturgique, l’Eglise nous fait percevoir un point particulier de la Parole du Christ qui juge, un critère bien précis du Royaume de Dieu, celui de la Vérité.

« Qu’est-ce que la vérité ? » disait Pilate. Notre réponse est, habituellement :  » Je détiens la vérité.  » Combien sommes-nous nombreux à détenir la vérité ! Tous les partis politiques, toutes les associations, tous ceux qui ont un petit grain d’autorité dans nos sociétés détiennent la vérité ! Chaque personne politique qui se présente à une élection détient la vérité, à gauche, à droite, en avant, en arrière. En fait, chacun de nous emprisonne la vérité.

La Vérité dont nous parle Jésus n’est pas celle-ci. La Vérité dont nous parle Jésus est celle-ci :  » Je suis venu rendre témoignage à la Vérité.  » Il a dit :  » Je suis Roi, et je suis venu dans le monde uniquement pour cela, pour témoigner de la Vérité « …  » Parce-qu’il est le témoin fidèle « , dira l’Apocalypse, Il est Celui qui a vu, dans le sein de Dieu et Celui qui témoigne de ce qu’il a vu. Afin que quiconque est de la Vérité écoute Sa voix.

Dès lors, celui qui appartient au Royaume et y entrera lors du Jugement est celui qui est dans la Vérité. Pas dans cette vérité que j’emprisonne, mais dans la Vérité dont nous parle Jésus : le témoignage de ce qu’Il a vu auprès du Père.

C’est une Vérité qui libère avant même de consoler. C’est une Vérité qui rend libre de la servitude du péché, du mensonge, (ce qu’il y a de plus terrible chez un homme comme dans une société) et donc du père du mensonge, celui qui est homicide depuis le commencement, Satan. C’est pourquoi nous prierons ainsi avec la Collecte de notre messe du Christ-Roi :  » Toi qui fondes le monde sous ton Fils bien-aimé, le Roi, fais que ta création soit libérée de la servitude… « , de cet esclavage du mensonge dans lequel nous sommes conduits, menés et gardés jalousement par Satan.

Qui de nous n’est pas menteur ? Nous vivons dans le mensonge, dans le faux-semblant, dans l’hypocrisie, dans les fausses promesses. Tout cela n’est que conséquence d’un unique mensonge que Satan essaye de nous faire avaler et contre lequel Jésus est venu témoigner. En effet, les mensonges politiques, les mensonges sociaux, les mensonges qu’on se fait entre copains, tout cela n’est pas grand-chose, ce ne sont que des corollaires du Mensonge substantiel qui ronge ma vie.

Quel est- il ? C’est le contraire de la vérité de Jésus.

Et quelle est la vérité de Jésus ? Nous les pécheurs, Il nous a aimés, Il nous a délivrés, comme le rappelle la lecture de l’Apocalypse. Voilà la Vérité de Dieu dont le Christ est le témoin fidèle jusqu’à la Croix. Oui, nous sommes pécheurs. Oui, nous sommes fragiles. Oui, nous sommes impuissants à mener notre vie de manière cohérente.

Voilà la Vérité depuis le péché d’origine : nous sommes pauvres, nous sommes miséreux et même misérables et, malgré cela, en cela, Dieu nous aime d’un amour inconditionnel et infini ! Notre péché même, notre misère aimante l’Amour de Dieu qui envoie le Fils pour nous proclamer cet Amour par le Sang de Sa Croix, pour dire « Je t’aime » à chacun de nous…

A l’opposé, voici le mensonge de Satan : « Moi je suis innocent, Dieu se désintéresse de moi, Dieu ne m’aime pas, Dieu me trompe, je n’ai rien à voir, rien à faire, rien à dire à Dieu, Dieu n’existe pas.« 

 » Je suis innocent… « , Je suis innocent du sang de cet homme, disait déjà Pilate… Rendons-nous compte qu’à côté de cette Vérité rappelée par Paul :  » Il m’a aimé, Il s’est livré pour moi « , à côté du mensonge que Satan tente de mettre dans notre esprit en nous persuadant que nous sommes innocents, nos petits mensonges ou nos petites vérités sont bien peu de choses !

« Quiconque est de la Vérité écoute ma voix »

Alors, du Christ-Roi au dimanche suivant, faisons notre examen de conscience.

Dans quelle mesure ai-je appartenu cette année à la Vérité de Jésus? Ai-je reconnu mon état de pécheur et l’Amour de Dieu sur moi ? Dans quelle mesure au contraire me suis-je déclaré innocent ? Ai-je accusé Dieu de mensonge et de duplicité pour ne pas accepter le regard de vérité sur ma vie ?

Regardons les Apôtres et nous verrons que ce n’est pas si difficile d’accuser Dieu, en se disant innocent. Dieu sait qu’ils avaient des raisons de suivre Jésus, d’acclamer cette Vérité nouvelle ! Eh bien, lorsque Jésus a dit ces paroles à Pilate : » Je suis venu pour témoigner de la Vérité, quiconque est de la Vérité écoute ma voix « , Il était absolument seul ! Les Apôtres n’étaient pas là pour dire : « Oui, Il dit vrai, nous en sommes témoins « . Les Apôtres se sont défilé laissant Jésus prendre sur Lui le péché du monde, la peur, la trahison, la faiblesse humaine.

Tout cela pour dire que ce n’est pas facile de se mettre en face de cette Vérité, de se reconnaître malade, avec l’Amour de Dieu qui descend sur moi pour me délivrer justement de ce mal. C’est cela qui me libère et non pas de me croire innocent mais coupé de Dieu ! Ce mensonge ne peut que me pousser à la haine et au désespoir comme l’a si bien décrit Bernanos dans ses œuvres. Alors que si j’accepte le regard de Dieu sur moi, si j’accepte le mystère de l’Incarnation s’achevant dans la Rédemption des âmes, je suis libéré par cet Amour du Dieu Sauveur.

Regardons comment, dans notre quotidien, nous avons vécu concrètement cette vérité. Devant une croix, devant une souffrance, devant une injustice, combien de fois avons-nous dit :  » Mais alors Dieu ne m’aime pas ! Mais que fait donc Dieu ? Mais qu’ai-je fait à Dieu? Je suis innocent !  » Mais combien de fois avons-nous reconnu au contraire, et malgré la souffrance, que nous sommes pécheurs, petits, mais aimés de Dieu qui nous donne Sa Vie !?

Le but de ce dimanche du Christ-Roi est de nous faire comprendre que, malgré les fautes les plus grandes, malgré les dérapages les plus fréquents de cette année, il suffit que nous nous reconnaissions pécheurs et que nous allions en faire l’aveu en nous confessant au premier prêtre venu, pour retrouver la chaleur du Cœur de Dieu et repartir, ainsi réconfortés, pour la prochaine étape de sanctification qui s’ouvrira dimanche prochain avec la nouvelle année Liturgique.

Mgr Jean-Marie LE GALL, Aumônier catholique H.I.A Percy, Clamart

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